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6 février 2018

Nils Frahm en couv’ de Tsugi 109, en kiosque le jeudi 8 février

par Patrice BARDOT

C’est une expression qui pullule dans ces pages. Peut-être un peu trop. Soyons honnêtes, je dois sans aucun doute y contribuer. “Artiste inclassable” donc, puisque c’est ce dont il s’agit. Une description fourre-tout, servant la majeure partie du temps à étiqueter une musique dont l’originalité réside uniquement dans le fait d’avoir le cul entre deux chaises, enfin entre plusieurs genres musicaux. Mais lorsqu’il s’agit de Nils Frahm, la notion d’artiste inclassable prend pour une fois tout son sens. Au point qu’on pourrait même oser affirmer qu’elle a été inventée pour lui. S’affranchissant des barrières stylistiques, le pianiste-metteur en sons allemand explore un univers sensoriel qui n’appartient qu’à lui. Vincent Brunner a eu la chance de le rencontrer quasiment chez lui, à Berlin dans le Funkhaus, cet immense complexe, ancien centre de radiodiffusion de l’ex-Allemagne de l’Est, où plus chercheur que musicien, il multiplie les expériences pour créer ce que Vincent décrit à juste titre comme des “vignettes atmosphériques”. “Passionnantes” pourrait-on juste rajouter.

Ce premier numéro de l’année est marqué aussi par une forte présence du hip-hop dans nos pages. Il y a d’abord Grems, dont les plus fidèles d’entre vous se souviennent sûrement d’une fameuse couv’ avec Surkin, Jackson et Rustie (tiens d’ailleurs, que devient-il celui-là ?) que le rappeur/graffeur avait élaborée spécialement pour l’occasion. Mais il y a aussi KillASon, nouveau talentueux manieur de micro à la puissance scénique détonante, et enfin la brillante paire américaine Open Mike Eagle et milo, dont les accents rappellent le hip-hop jazzy de The Pharcyde ou A Tribe Called Quest. Et comme souvent chez Tsugi, la conclusion se déroule sur le dancefloor. Ce mois-ci ce sont nos amis du Rex Club qui prennent les choses en main avec le lancement des festivités marquant leur trentième anniversaire. Eh oui, déjà. On en profite donc pour rendre ici un hommage appuyé à Monsieur Christian Paulet, le premier à avoir permis aux musiques électroniques d’entrer dans le club du boulevard Poissonnière, et par ailleurs soutien indéfectible de ce journal depuis les premiers jours. Merci Christian !

Rendez-vous le jeudi 8 février en kiosque, avec Nils Frahm donc, mais aussi un CD mixé par La Fleur, l’album du mois par Django Django, Taur qui partage sa passion pour les sneakers, des rencontres avec Molécule, Thérapie Taxi, Ignacio Salvadores, Catastrophe mais aussi des chroniques, un blintest avec Judah Warsky, , les inspirations de Limiñanas, toutes les infos sur vos festivals préférés, etc. En attendant, on est super gentil, on vous partage le début de la rencontre entre Nils Frahm et Vincent Brunner à Berlin : 

Nourri à la musique classique, à la techno ou au jazz, l’Allemand Nils Frahm propose depuis une dizaine d’années une synthèse furieusement personnelle. Instrumentiste rebelle, penseur libre, il s’efforce d’être le meilleur dans sa partie. Rencontre exclusive dans son hallucinant repaire berlinois.

Bienvenue au Funkhaus ! Non, rien à voir avec George Clinton ou James Brown. En revanche, notre lieu de rendez-vous serait parfait pour le tournage d’un film d’espionnage vintage. Souvenir d’un ancien temps – Berlin à l’ère de la guerre froide –, l’imposant bâtiment en briques rouges, situé à côté de la rivière Spree, remplit tout l’espace et paraît s’étendre à portée de vue. Heureusement, Felix surgit d’une porte cachée et nous emmène à l’intérieur du labyrinthe. Après un escalier orné d’un tapis rouge qui a vécu, mais produit encore son petit effet chic, voici son protégé – celui qu’il manage – en pleine répétition dans une salle gigantesque. Tournant le dos à un piano à queue, Nils Frahm, entouré de synthés, tortille du cul en bidouillant ses machines. Derrière lui, ses ingénieurs du son se montrent prêts à intervenir. Car, ici, on prend la musique très au sérieux. Normal : ancien centre de radiodiffusion de l’Allemagne de l’Est, le Funkhaus possède des infrastructures incroyables, des studios à l’acoustique inouïe qui accueillaient autrefois des orchestres ou des groupes pop locaux. L’endroit suscite toujours des vocations. Ainsi, depuis quelques mois, un sound-system panoramique a été mis en place.

Jouant au guide improvisé, Frahm s’enthousiasme tout en marchant d’un bon pas dans les longs couloirs un joint à la main : “Ici, c’est un centre de recherche ! En fait, nous avons redécouvert ce que les génies du Funkhaus, avec leurs blouses blanches de chercheurs, connaissaient déjà. Aujourd’hui, les ingénieurs du son peuvent être des gens cool, mais, après deux ans d’étude, ils ne savent pas vraiment comment tel appareil marche, pourquoi il faut le câbler comme ça. Alors qu’il y a un profond savoir derrière des circuits et du câblage. Ces questions n’intéressent plus la science, nous faisons plu- tôt des recherches sur le cerveau ou nous voulons à aller sur Mars. À l’époque, c’était un projet prioritaire. Les gens qui travaillaient ici – j’en ai rencontré un, âgé de 90 ans – bénéficiaient d’une vraie autonomie. Ça se voit dans l’architecture moderne, occidentale et pas du tout stalinienne. Le Funkhaus était réservé à une élite de libres penseurs qui réfléchissaient à cette question : ‘Quels vinyles sonnent le mieux ? Ceux des Américains, des Britanniques, des Japonais ou des Allemands ?’ Tous se tiraient la bourre, comme s’il s’agissait d’être les premiers sur la Lune.”

 La suite à retrouver en kiosque ou à la commande ici à partir du jeudi 8 février ! 

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