Meute, le « techno marching band » qui nous réconcilie avec les fanfares
Si on dit « fanfare techno », ça vous parle ? Une douzaine d’Allemands, pour la plupart originaires d’Hambourg, reprenant à coups de cuivres ou marimba des classiques techno comme « The Man With The Red Face » de Laurent Garnier ou « Kerberos » de Stephan Bodzin et Marc Romboy ? Si la réponse est « non, jamais entendu parlé », il va falloir y remédier bien vite car, comme l’année dernière, la joyeuse bande de Meute s’apprête à squatter une bonne partie de nos salles et festivals préférés en 2018. Normal, puisque cette fanfare a maintenant un album à défendre : Tumult, l’enregistrement studio des dix titres qui nous ont fait dansés pour la première fois aux Trans Musicales de Rennes en 2016, est sorti en fin d’année dernière.
Mais si on dit « fanfare » tout court, ce n’est pas vraiment flatteur pour cette douzaine de passionnés de musiques électroniques. Ils ont beau s’habiller avec les vestes rouges et or des marching bands traditionnels, la comparaison avec les groupes de nerds des fanfares des teen movies américains s’arrête là. Celle avec les musiciens classiques d’orchestres guindés aussi. On a ici affaire à un « techno marching band » : ces Allemands ont des baskets aux pieds et l’envie de faire la fête, n’hésitant pas à danser sur scène, comme Hans, plutôt discret en interview mais transformé une fois sa trompette à proximité. C’est un autre trompettiste, Thomas, qui est à l’origine du projet Meute, épaulé par Hans pour l’écriture des arrangements. Le saxophoniste Adrian nous rejoindra pour une interview express, entre deux de leurs concerts au festival Eurosonic Noorderslag à Groningen mi-janvier. L’occasion, quelques mois après une rencontre surréaliste à Dour, de prendre quelques nouvelles de ce groupe ayant enchaîné plus de 100 dates en 2017.
Quand votre disque Tumult a été annoncé l’année dernière, tout le monde a été un peu surpris… Pourquoi sortir un album alors que Meute est plutôt un projet live, une grosse fête où l’on suit votre « techno marching band » ?
Adrian : Trois ou quatre mois après la naissance du projet, nous avons publié la video de « Rej », notre reprise d’Âme. Le morceau est sorti en même temps sur Spotify. Et à Hambourg, d’où la majorité d’entre nous vient et où on vit, pas mal de gens sont venus nous voir pour nous dire qu’ils nous écoutaient souvent sur Spotify ! Il y avait une demande, les gens voulaient aussi écouter nos morceaux en dehors de nos concerts. Donc pourquoi ne pas en enregistrer plusieurs pour en faire un album ? Et puis c’est le rêve de tout musicien de sortir un album !
Dix titres de reprises techno enregistrés par une fanfare… Comment avez-vous fait pour ne pas donner de grosses migraines ? On n’est pas vraiment habitués à écouter une heure de cuivres comme ça, et pourtant ça marche !
Thomas : On s’est beaucoup la question, on se demandait comment ne pas devenir ennuyeux et répétitifs. On a essayé différentes compositions, arrangements… Et, plus concrètement, on a essayé d’avoir dans les morceaux de grandes parties où tout le monde ne joue pas en même temps, pour permettre aux oreilles de se reposer un peu, et pour que tu puisses te concentrer sur le marimba, puis sur la trompette, puis sur le saxophone…. Et après seulement tout vient en même temps. On a essayé de travailler sur la tension, la montée jusqu’à un genre de climax. Toute la bonne musique composée depuis des centaines d’année se base là-dessus, de Beethoven à la techno.
Adrian : On a aussi sorti nos instruments de leur contexte habituel, en leur donnant une nouvelle couleur.
On voit aussi que vous avez essayé, dans le choix de la tracklist, de reproduire cette idée de « montée », avec d’abord l’assez doux « The Man With The Red Face » de Laurent Garnier, jusqu’au climax de « Rej » d’Âme, pour atterrir en douceur avec « Acamar » de Frankey & Sandrino et « Every Wall Is A Door » de N’To…
Hans : On s’est beaucoup interrogé sur l’ordre des morceaux en effet. Cette tension que l’on recherchait, comment la construire ? Il n’y a évidemment pas de réponse parfaite ! Mais c’est quelque chose que l’on a beaucoup réfléchi en amont pour préparer les lives, et quelques enchaînements se sont imposés d’eux-mêmes en concert.
Evidemment, en tant que français, on a un attachement particulier à votre reprise de « The Man With The Red Face » de Laurent Garnier. Il paraît qu’il vous soutient depuis le début ?
Adrian : On demande toujours l’accord du compositeur original quand on s’apprête à reprendre un morceau. C’est ce qu’on a fait avec Laurent Garnier évidemment. Et il nous a répondu qu’il aimait beaucoup notre reprise ! Et puis il a son propre festival, le Yeah! Festival à Lourmarin : il nous a invité, donc a pu se rencontrer, et jouer avec lui sur scène, c’est super sympa !
Et ensuite, que va-t-il se passer ? Vous pensez déjà à de nouvelles reprises ?
Hans : On vient juste de sortir l’album, et on tourne beaucoup, donc il faut qu’on prenne le temps de retourner en studio pour travailler sur de nouveaux arrangements. Mais oui on y pense déjà ! On vient par contre de sortir une vidéo pour illustrer notre reprise de « Miss You » de Trentemøller. Pour la suite, on verra !
Comment choisissez-vous les prochains morceaux à reprendre ?
Hans : Parfois tout simplement en tombant sur un morceau qu’on aime beaucoup. On écoute tous de la musique électronique depuis longtemps. Donc on tient une liste de morceaux qui pourraient être reprises… Pour le reste, on ne peut pas trop en dire encore, mais ce n’est pas terminé !
La joyeuse bande de Meute continue sa tournée-marathon et passera, entre autres, le 28 mars à la Laiterie à Strasbourg avec Laake, le 29 à l’EMB Sannois, le 30 à Lyon dans le cadre du festival Reperkusound, au festival Les Z’Eclectiques vers Angers le 31, ou à l’Aéronef à Lille le 1er avril avec Popof. Sans oublier Panoramas, Solidays, Les Nuits secrètes, Au fil du son ou l’Insane, autant de festivals où le « techno marching band » est programmé cette saison.