Rødhåd en couv’ de Tsugi 107, en kiosque le mercredi 8 novembre !
Le 9 octobre dernier pour être précis, on a fêté, enfin pas tellement vu que l’on avait la tête dans le guidon, la sortie du Tsugi number one. Dix ans plus tard, on est frappé, en lisant le numéro que vous tiendrez entre les mains le 8 novembre prochain, de constater que rarement un sommaire n’avait justement autant reflété l’ambition initiale que nous avons eue pour notre magazine, qui est aussi le vôtre. Celle d’offrir un panorama subjectif et varié des musiques d’aujourd’hui, tout en s’autorisant des coups d’oeil dans le rétro. Il y a cette couv’ Rødhåd, où l’on a voulu consacrer, plus que le DJ impitoyable (de passage à Concrete le 15 décembre pour une nuit spéciale Dystopian), le producteur aventurier, auteur avec son album Anxious d’une exploration électronique très libre, aux confins de l’ambient. Il y a aussi ce CD mixé de main de maître par le légendaire DJ Cam qui, plus de 20 ans après ses débuts abstract hip-hop, n’a rien perdu de sa fougue et de sa passion. Mais il y a encore la révélation Tim Dup, nouveau héros d’une scène française où la chanson se pare d’électronique et de beats hip-hop. Le processus est inverse pour le rappeur Hyacinthe, que l’on retrouve également dans ces pages, où il est aussi question du rock noisy furieux de l’excellent Jessica93, de la pop puissante de Baxter Dury. Sans oublier bien entendu l’incomparable Étienne Daho, dont le onzième album studio s’autorise toutes les audaces. On peut attribuer le même qualificatif à la collaboration inattendue et très réussie entre Charlotte Gainsbourg et SebastiAn. Et on va s’arrêter là. Histoire de vous laisser quelques surprises. Rendu des fiches de lecture le 16 novembre sur le dancefloor du Trabendo, pour un exceptionnel Tsugi Superclub en compagnie de Maceo Plex et Madben. Que la fête commence !
(Mais en attendant, on est super gentil et on vous laisse lire le début de l’interview de Rødhåd par Benoît Carretier)
Rødhåd, ici l’ombre
Cinq ans après son premier maxi, l’un des DJs et producteurs allemands les plus importants du circuit techno se décide enfin à publier son premier album. Mais loin de ses sets telluriques, Rødhåd déserte le dancefloor pour un Anxious tout en ambiances sombres et poisseuses. Rencontre dans le deux pièces-cuisine berlinois qui héberge son label Dystopian.
Hackescher Markt, début septembre. Il est à peine 10 heures du matin et des nuées de touristes s’affairent sous un soleil de plomb autour des échoppes de cette populaire place du centre-ville de Berlin. Rendez-vous est donné devant une immense brasserie pour être conduit dans les bureaux du label Dystopian, à la rencontre de Rødhåd. Interviewer dans ses murs le DJ techno le plus en vue de ces dernières années se mérite. Comme on pouvait l’imaginer, Dystopian est à l’image du héros du jour, discret. Il faut d’abord emprunter un premier passage, qui nous plonge dans les derniers restes du Berlin underground post-chute du mur, avec ses fresques murales défraîchies et ses boutiques DIY, puis un deuxième, ouvrir une lourde porte en bois qui donne sur une cour intérieure, prendre le monte-charge hors d’âge… pour découvrir un deux-pièces sans âme, une cuisine-salle de réunion ouverte à tout vent et un minuscule bureau où s’entasse en silence l’équipe du label-agence de booking Dystopian. Difficile de faire moins tape-à-l’oeil.
Apparu au premier plan de la scène techno européenne en 2013, arpentant aujourd’hui les institutions techno et souvent programmé en tête d’affiche des festivals européens, Rødhåd, Mike Bierbach de son vrai nom, n’a pourtant rien du phénomène venu de nulle part à la faveur d’un effet de mode. Cet habitué du Berghain, Fabric et autres Concrete, tête de pont d’une nouvelle génération berlinoise, a patiemment fait ses gammes, à la dure, dans les hangars et les clubs confidentiels de la capitale allemande, jouant parfois devant 30 personnes, jusqu’au jour où il s’est décidé avec deux amis à prendre son destin en main. Cette carrière lentement bâtie, fruit d’un apprentissage entamé au plus bas de l’échelle, a inoculé à ce grand timide le virus de la modestie. Loin des superstars qui assurent le show, il compte sur ses seules capacités pour apprivoiser les foules de plus en plus nombreuses à venir succomber à ses coups de boutoir (sans compter un certain charisme naturel qu’il exploite sans forcer). Si ce marathonien des platines est capable de jouer dix heures d’affilée une techno millimétrée, dure et d’une noirceur insondable, le Rødhåd producteur n’a pas été en reste sur ses rares maxis (huit en cinq ans, publiés sur Dystopian ou le label belge Token). Sa techno radicale, fourmillant de détails et de textures finement ciselés collait parfaitement à son image de bûcheron norvégien… jusqu’à ce premier album Anxious qui nous occupe aujourd’hui, et le voit faire un immense pas de côté. Rødhåd, en se lançant dans la figure imposée de « l’album techno où il faut savoir explorer d’autres territoires pour montrer l’étendue de sa palette sonore », délaisse le dancefloor, le 4/4 et la virulence au profit de morceaux marqués par l’ambient et un impressionnant travail de design sonore. Un disque où tout suinte l’anxiété, oppressant et étouffant, et dont les rares « éclaircies » sont la radicalité techno du tellurique « Target Line » et la drum’n’bass crépusculaire de « Burst ». Explications avec Rødhåd, DJ martial et producteur d’ambiances qui, en nous prenant à contre-pied, pose déjà les jalons de son avenir dans la techno.
Tu es booké plusieurs mois à l’avance, tu joues en tête d’affiche, ton premier album est particulièrement attendu… C’est comme ça que tu imaginais ta vie dans la musique ?
Absolument pas, et je ne comprends toujours pas ce qui m’arrive aujourd’hui. (rires) J’ai commencé le deejaying à 16 ans, et bien sûr, comme tous les ados qui allaient régulièrement à des soirées techno, je me voyais à la place du DJ. Mais jamais je n’aurai imaginé être à la place qui est la mienne aujourd’hui.
… La suite à retrouver en kiosque le mercredi 8 novembre !