Nouveau lieu, nouvelles dates, mais toujours foncièrement marseillais : on était à Marsatac ce week-end
Ce week-end se tenait la 19ème édition de Marsatac. Nouveau lieu (le Parc Chanot, au pied du Vélodrome), nouvelle date (fin juin au lieu de septembre), un retour événement et une belle programmation toujours axée sur l’électronique et le hip-hop… On vous raconte !
L’événement
« Ne loupez pas les FF, j’en ai bavé pour les faire venir ! », avertissait Dro Kildjian au micro de Tsugi Radio, le soir de la Fête de la Musique.
Deux nuits plus tard, nous ne sommes pas les seuls à avoir écouté le conseil du co-fondateur de Marsatac : des milliers de Marseillais (entre autres) avaient fait le déplacement au Parc Chanot, pour assister à LA reformation du week-end, du mois, de l’année même… A savoir la Fonky Family qui reprend le chemin de la scène, 10 ans après leur dernier concert (sans compter une soirée en 2015 en soutien à leur producteur Pone, atteint de la maladie de Charcot) et 19 ans après leur show à la toute première édition de Marsatac. Dehors, le Vélodrome, immense, est éclairé du logo du festival. Dedans, le concert démarre par « Cherche pas à comprendre », le premier titre du premier album de FF, Si Dieu veut…, repris en choeur par l’ensemble de la salle… A tel point qu’il est souvent difficile d’entendre ce qu’il se passe sur scène ! Mais le bonheur est palpable, les trentenaires nostalgiques kiffent au même rythme que les jeunots qui écoutaient FF sur les albums de leurs grands frères. Difficile de faire plus marseillais, et difficile aussi d’imaginer ce que Marsatac va bien pouvoir inventer pour marquer le coup de sa 20ème édition l’année prochaine. Comment surpasser la reformation exclusive d’un groupe culte ? Qui s’offre même le luxe d’inviter Jul sur scène pour un petit passage de flambeau intergénérationnel ?
Vers la fin du concert, le Rat Luciano, Menzo et compagnie partent souffler en coulisses, pour mieux laisser DJ Djel achever la salle avec un medley de titres emblématiques pendant une petite dizaine de minutes. La troupe redébarquera, évidemment, sur « Le Retour du Shit Squad », ce morceau créé suite à un pari débile lancé par Imhotep (en l’occurrence : qui entre les FF et IAM sont les plus gros fumeurs de shit ?). « Le Parc et le Panier roulent avec le Shit Squad » assènent-ils. On ne sait pas pour le Panier, mais au Parc, ça sent joliment la résine et la salle atteint les 45 degrés mouillés. Et même si beaucoup se plaignent du son de façade difficile à régler dans ce grand hangar, les mines ruisselantes des fans de la première heure font plaisir à voir. C’était LE moment du week-end. Mais il y en a eu d’autres.
De bonnes surprises…
Soulwax par exemple, avec sa belle scénographie et ses trois batteurs sur scène – dont Igor Cavalera de Sepultura, qui n’est clairement pas là pour beurrer des biscottes. Dissonances, tête géante à facettes, instruments bizarres, frères Dewaele transformés en hommes-orchestres-chanteurs-maîtres des synthés… Parfait pour commencer le festival. De La Soul et son live-band aussi, pour une petite touche jazz bienvenue. Tommy Cash enfin, la plus étonnante surprise du week-end : sous sa moustache dégueulasse et derrière ses clips improbables (les percus sur culs, on ne s’en remet pas), le rappeur estonien signe finalement un live hyper carré, trippant, voire même un brin touchant quand il crie à la toute fin « if I can do it you can do it ! I fucking love France. I come from a shit hole you know, and now I’m here, thank you » – pour les anglophobes : « Si je peux le faire vous pouvez y arriver ! Putain j’adore la France. Je viens d’un trou à rats vous savez, et aujourd’hui je suis ici, merci » -, avant de disparaître dans la fumée épaisse du Palais Phocéen, l’un des trois entrepôts du festival. Provoquant sur internet et toujours prêt à toutes les excentricités, tout en préparant un live précis et ultra-efficace, voilà qui rappelle quelqu’un d’autre : Vald. Il était là samedi soir. Déjà, avant même de fouler la scène de Marsatac, il posait avec un maillot du PSG dans ses loges nichées dans le Vélodrome (une provoc’ qui lui a même valu des menaces juridiques et un article dans Le Parisien). Mais le troll ne s’arrête pas là : « est-ce qu’on rappelle les règles de politesse dès le départ ? », demande son DJ avant d’entamer les « il a pas dit bonjour, on lui a niqué sa mère » du bien-nommé « Bonjour ». Plus tard, ce sera encore moins courtois, Vald et ses compères encourageant un public chauffé à bloc à se lancer dans des pogos et en prononçant cette phrase magique : « Le premier qui se casse deux dents et qui nous les ramène, on lui offre le champagne pour toute la soirée ». Mais c’est Michael Mayer, avec son set aux enchaînements si fins qu’on se demande s’il ne s’agit pas d’un live (jusqu’au passage du toujours très reconnaissable « 1-400 Doctor C’est Chouette » de Laurent Garnier), et Nicolas Jaar, avec sa voix profonde et ses compositions sensuelles, qui gagneront la palme des meilleurs concerts du week-end… Faisant danser sans faire courir le risque d’un rendez-vous en urgence chez le dentiste. Appelez-nous mauviettes – ou Parisiens – si vous voulez.
… Et de moins bonnes
Tout ne peut pas être parfait évidemment. Flashback : juste avant le début du concert de Fonky Family, le Parc Chanot est vide. Tout le monde attend (pas) tranquillement dans le Grand Palais l’arrivée des FF. Mais pendant ce temps, Actress, dont le dernier album AZD nous avait beaucoup plu chez Tsugi, était attendu au Palais Phocéen. Sauf que pas d’Actress à l’horizon, simplement un mannequin posé devant un clavier, avec écrans dans le fond. Et l’ingé son qui reçoit un gauche-droite directement dans la console. Actress est sûrement derrière le rideau pour réaliser cette « performance ». Mais il aurait très bien pu ne pas être là et envoyer son « live » par Wetransfer. Difficile d’adhérer à cet happening qui aurait bien plus sa place au Mucem qu’à Marsatac… Tout l’inverse de Die Antwoord le lendemain, donc, eux un peu trop présents ! A force d’aller à 100 à l’heure, les trois zefs accompagnés de deux danseuses finissent pas épuiser – même si, il faut le reconnaître, le public a l’air très heureux de cette déflagration presque gabber. Un petit peu plus de musique entre deux morceaux de fiesta eurodance, c’est possible ? Quant à $uicideboy$, pas de bol : leur tour bus est tombé en panne. Le duo de la Nouvelle-Orléans a dû annuler sa venue au tout dernier moment, ne laissant absolument pas le temps au festival de trouver un remplaçant… Dommage, mais Dubfire en face avait de quoi consoler les frustrés avec son DJ-set.
Va falloir rentrer maintenant !
Le lendemain, c’est les jambes engourdies et les oreilles fatiguées que le Parisien lambda (nous, quoi) reprend le métro entre Perier et la Gare Saint-Charles, avec la drôle de sensation d’avoir entr’aperçu ce qu’était la belle vie à Marseille. Des gens qui râlent car il faut « attendre quatre heures pour avoir une pinte » (en vrai, 30 minutes max les heures de pointe, ce qui est rien sur un événement à 30.000 personnes), d’autres qui continuent de chanter les refrains de la Fonky Family plusieurs heures après la fin du concert, rythmés à coups de « c’est bon ça ! ». Danser sur du hip-hop avec le sel de la plage du Prado dans les cheveux. Ecouter Kid Francescoli pour démarrer la soirée. Siffler quand Vald scande « quatre-vingt ze-trei » ou qu’il parade avec un maillot PSG (pas fou, le rappeur d’Aulnay-sous-Bois ne l’a pas fait sur scène). C’est cliché tout ça, évidemment. Mais Marsatac, ses organisateurs et son public sont tant attachés à leur ville et lui rendent si bien hommage… Que malgré nos bouilles palotes et notre chauvinisme parigot, on se plait, le temps d’un week-end, à se sentir marseillais.
Meilleur moment : FF-orcément.
Pire moment : Le son de façade mal réglé au Grand Palais le premier soir.