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20 mars 2017

Kid Francescoli VS Oh! Tiger Mountain

par Patrice BARDOT

Hasard du calendrier… ou pas, les deux artistes marseillais, par ailleurs membres de Husbands, ont sorti quasiment au même moment un album sous influence pop aventureuse matinée d’électronique. Cela valait bien une étude comparative.

Qui est-il ?

• Kid Francescoli

À travers son pseudo, on comprend beaucoup de choses sur Mathieu Hocine. Tout petit, déjà, à dix ans paraît-il, quand d’autres tentaient vainement d’assembler en Lego un vaisseau Star Wars, le jeune Mathieu s’escrimait lui déjà sur une guitare en bricolant ses propres compos. D’où le kid. Parisien, exilé à Marseille, il tombe sous le charme du brillant footballeur Uruguayen Enzo Francescoli, joueur de l’Olympique de Marseille, mais ancien du Racing Paris. D’où le nom. Musicalement à l’exact opposé des goûts connus des footballeurs, quelque part entre Tal et Jul, Hocine cultive depuis déjà trois albums un talent immense pour une subtile pop mélancolico-chaleureuse nappée de quelques touches électroniques. Fasciné également par New York, il y a rencontré la chanteuse Julia Minkin, qu’il a même ramenée du côté du Vieux Port. Depuis deux disques, le duo nous raconte son histoire d’amour et de désamour. On en a presque la larme à l’œil.

• Oh! Tiger Mountain

Ce n’est sûrement pas le plus connu des albums de Brian Eno, mais Taking Tiger Mountain a fourni à Mathieu (oui, encore un) Poulain la base d’un pseudo intriguant, porte ouverte évidemment à tous les jeux de mots (faciles) sur le tigre qui rugit, qui montre ses griffes, qui sort de sa tanière, etc. On se contentera nous d’un tigre qui aime bien chasser seul. Auteur, compositeur, chanteur, producteur, Poulain, la trentaine, a développé depuis deux albums une belle capacité toute personnelle à créer des climats baroques et fulgurants, où on peut entendre aussi bien des échos de David Bowie (la voix), de reggae-dub, de folk countrisante, ou de pop électronique. Saluons aussi sa grande aptitude scénique. Pour l’anecdote, il fut le premier musicien à ouvrir il y aura bientôt quatre ans la première édition du Festival Yeah! fondé à Lourmarin par Laurent Garnier. Logique donc qu’il ait signé sur le label émanation du festival.

Alors ce nouvel album ?

• Kid Francescoli

Play With Me démarre par une belle surprise, “Les Vitrines”, entêtante comptine électronique chantée en français et en duo par Hocine et Julia. Une première très convaincante pour le Kid, au point que l’on regrette même que l’exercice ne soit pas renouvelé. Qu’importe, c’est un détail, tant nous sommes alpagués par les tourbillons de ce disque touchant, illuminé d’une pop électronique sensible. Oui, on parle bien de “pop électronique” et pas de cette tant galvaudée “électro-pop” qui rime si souvent avec mièvrerie. Nulle mièvrerie ici, mais plutôt beaucoup de rêverie, dans laquelle on se love au fil des très réussis “It’s Only Music, Baby”, “Emma” ou “Pick Me Up”. On éprouve également un gros faible (cœur avec les doigts) pour “Bad Girls”, chanté entièrement par Julia, que l’on comprendra comme une version lymphatique d’un hit R&B mainstream à la Rihanna qui serait produite par Phil Spector. Magistral.

• Oh! Tiger Mountain

C’est une sorte de cavalcade où les sons de guitares déglingués et de claviers vaguement psychédéliques se mixent avec bonheur. Un brouillard acide sur laquelle plane une voix tourmentée très Bowie époque Heroes. Il y a de quoi être cloué au sol par ce vibrionnant “Altered Man” qui ouvre le troisième album homonyme de Mathieu Poulain. Un morceau de bravoure qui donne bien le ton d’un disque toujours surprenant, qui excelle dans le mélange des genres, tel ce “Wait ! What Is It” de haut vol, manifeste rougeoyant pop-tropical-électro. “A Cowboy”, le premier single, illustre, lui, le goût de son auteur pour les grands espaces sonores, là où il peut échafauder à l’aise des compositions qui n’aiment surtout pas être bridées dans leur imagination. Ce qui l’amène lui aussi à venir taquiner pour la première fois le chant en français. Et là encore la réussite est au rendez-vous. “La Ville est sale (et tout le monde est malade)” déroule un irrésistible swamp rock pétillant légèrement rétro où se croisent les fantômes d’Alain Bashung et Elvis Presley venus partager un Jack Daniels en terrasse sur le Vieux Port. Quelle imagination ! Enfin, on parle de celle de Oh! Tiger Mountain, pas de la nôtre bien entendu.

L’heure du bilan

On l’aura compris, il est inutile de vouloir départager nos deux challengeurs qui, s’ils boxent tous les deux dans la même catégorie, celles des champions, pratiquent un registre bien différent. Mais s’il existe des matchs nuls du genre 0-0 ennuyeux, nous sommes plus en présence d’un amboyant 5-5. Et surtout inutile d’opposer deux potes qui sont également partie prenante de l’excellent projet Husbands en compagnie de Simon Henner (French 79), producteur des deux derniers albums de Kid Francescoli. “Just A Family affair” comme dirait l’autre.

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