Interview avec l’acid queen KI/KI : « la techno ne mourra jamais » 🎙️
En juillet dernier, KI/KI Ă©tait Ă Paris pour les dix ans de Peacock Society pour un passage remarquĂ© -et remarquable- sur la scène MIRROR. Depuis, on a pu discuter avec elle de ses dĂ©buts en tant que productrice puis DJ, de sa fascination pour les sonoritĂ©s techno et acid des annĂ©es 1990, de la crĂ©ation de son label slash, ou encore de ses secrets de diggeuse professionnelle. Â
L’acid, elle l’a dans la peau. LittĂ©ralement. Si il est encrĂ© sur son Ă©paule en une typographie distordue propre au genre musical, il squatte Ă©galement la clĂ© USB de KI/KI depuis qu’elle sait mixer. Elle lui a mĂŞme dĂ©diĂ© une soirĂ©e qu’elle a crĂ©Ă©e : 5HRS OF ACID. Mais attention. On ne parle pas de n’importe quel acid, on parle bien du seul, de l’unique… de celui qui a pris ses racines Ă la fin des annĂ©es 1980 suite Ă une dĂ©formation continue -arrivĂ©e presque par erreur- des lignes de basse du fameux Roland TB-303. KI/KI en est fascinĂ©e depuis ses dĂ©buts. Elle fait partie de cette nouvelle gĂ©nĂ©ration d’artistes qui puise dans les sonoritĂ©s 90s tout en crĂ©ant un univers musical Ă la fois moderne et futuriste. Nostalgique ? Ça n’est pas le mot. Pour elle, ces morceaux possèdent simplement ce « on-ne-sait-quoi » que la musique Ă©lectronique contemporaine n’a pas. Rencontre.Â
Comment t’es-tu plongĂ©e dans la musique Ă©lectronique ?Â
KI/KI : Enfant, je vivais dans une petite ville nĂ©erlandaise oĂą personne n’écoutait de musique Ă©lectronique. Puis j’ai fini par dĂ©couvrir la deep house. Alors, j’ai commencĂ© Ă produire mes propres morceaux très jeune, Ă 15 ans, avant mĂŞme de savoir mixer. Mais en diggant de plus en plus de DJs, de tracks, de mixes, j’ai Ă©tendu ma culture musicale et je me suis mise au deejaying. Ensuite, j’ai dĂ©mĂ©nagĂ© Ă Amsterdam et j’y ai vraiment dĂ©couvert l’univers du clubbing.Â
Adolescente, quand tu as commencĂ© Ă produire, as-tu tout de suite Ă©tĂ© attirĂ©e par les sonoritĂ©s 90s ?Â
KI/KI : Oui et non ! J’ai commencĂ© Ă jouer avec mon ex-copain. On avait deux univers complètement diffĂ©rents et on essayait de trouver un juste milieu en faisant des compromis. Après un an, je me voyais de plus en plus avancer seule. D’autant plus que je produisais dĂ©jĂ , et lui non. Alors j’ai diggĂ© de plus en plus pour moi… J’aimais les sonoritĂ©s des annĂ©es 1990 en gĂ©nĂ©ral, mais en ce qui concerne la techno, l’acid et la trance 90s… Jamais je n’avais entendu un truc pareil. It was sick. Ă€ ce moment lĂ , un nouveau monde s’est ouvert Ă moi (rires).
Alors, j’ai commencĂ© Ă chercher et Ă mixer seulement ce genre de sonoritĂ©s, dont beaucoup d’acid. Après mon premier gig, j’ai passĂ© au moins trois ans Ă ne mixer que de la musique Ă©lectronique des annĂ©es 1990. J’aimais tellement ça, pour moi ces morceaux ont quelque chose que la musique contemporaine n’a pas. Aujourd’hui c’est diffĂ©rent, beaucoup de nouveaux producteurs -dont moi- s’inspirent des annĂ©es 1990 et rĂ©ussissent Ă incorporer ces sonoritĂ©s Ă des productions plus modernes.Â
Quels artistes des annĂ©es 1990 t’ont inspirĂ©e ?Â
KI/KI : Mon Dieu. Ils sont tellement nombreux que je ne sais plus (rires) ! Je peux citer Outlander ou bien Miss Djax, une DJ et productrice allemande que je considère comme la reine de l’acid… Et il y en a encore beaucoup d’autres.Â
Tu mixes des sons old school, pourtant tes sets sont empreints de sonoritĂ©s futuristes. Est-ce que pour toi, la techno reste la musique du futur, mĂŞme aujourd’hui ?Â
KI/KI : Définitivement, oui ! La techno ne mourra jamais. Comme les sonorités des années 1990 en général d’ailleurs. Certaines personnes disent qu’elles sont de retour, moi je pense qu’elles ne sont jamais vraiment parties, mais qu’on en entend parler car elles sont considérées comme hype aujourd’hui. On reprend toujours du passé pour créer de nouvelles choses. C’est pour ça que la techno ne disparaîtra jamais selon moi. Et puis cette musique se décline sous tellement de formes évoluant au quotidien. Elle fera irrémédiablement partie de notre futur.
D’ailleurs, quel est ton secret de diggeuse pour dĂ©nicher tous ces tracks introuvables ?Â
KI/KI : Les disquaires, Ă©videmment (rires). Mais je traĂ®ne beaucoup sur GERMSGEMS qui a une sĂ©lection Ă©norme de techno 90s… Ça m’arrive aussi de me perdre dans l’algorithme d’iTunes Store (rires). Je tombe sur un vieil album, ensuite sur un autre puis sur un troisième… Tout s’enchaĂ®ne assez vite. C’est pareil avec Youtube d’ailleurs. C’est cool et pratique pour digger des sons d’un certain genre, cependant je ne dĂ©laisserai jamais les disquaires et discogs. En cherchant bien, c’est lĂ que je trouve mes meilleurs tracks.Â
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Et tu mixes parfois avec des vinyles ? Â
KI/KI : Dans le passé oui, mais aujourd’hui je rippe tout. J’ai énormément de disques qui sont introuvables en digital et qu’on ne peut donc télécharger nulle part… Mais c’est une grosse contrainte pour les festivals. J’ai vu tellement d’artistes jouer des heures au soleil et bousiller leurs vinyles, qui fondaient avec la chaleur. J’ai trop peur de me dire « F*ck, ce disque introuvable coûtait 200 balles » (rires). Donc je numérise tout.
Mais ça me manque beaucoup. Je prĂ©fère mixer avec des vinyles qu’avec des CDJ. Certes il y a plus d’options, de points CUE, on peut faire des sets très dynamiques. Avec des vinyles aussi mais je ne sais pas… Ça reste diffĂ©rent.Â
On remarque que la scène des annĂ©es 1990 revient. Elle a le vent en poupe mĂŞme trente ans après, tous styles confondus (trance, techno, rave, jungle, uk garage, acid house…) selon toi, Ă quoi cela est dĂ» ?Â
KI/KI : Quand j’ai commencĂ© Ă jouer il y a huit ans et que j’ai dĂ©couvert cette techno des annĂ©es 1990, quelque chose a vraiment changĂ© en moi. Je suis tombĂ©e sur des sons que je n’avais jamais entendus auparavant. Ils avaient une certaine âme. Et je pense que beaucoup de jeunes ressentent la mĂŞme chose aujourd’hui. Il sont attirĂ©s par une Ă©poque qu’ils n’ont pas vĂ©cue puis par une esthĂ©tique qu’ils n’ont pas connue. Et puis, c’est cyclique, cette mode des annĂ©es 90 n’est jamais vraiment partie. Â
Quelle est l’histoire derrière ton label slash, comment lui as-tu donné vie ?
KI/KI : Tout le monde l’a compris, je voue une passion pour les artistes des annĂ©es 1990. Je voulais donc utiliser mon label pour re-sortir des tracks de cette Ă©poque, crĂ©er des collaborations avec des artistes de ces annĂ©es qui n’avaient rien sorti depuis trente ans pour que des productrices et des producteurs contemporains remixent ces morceaux inĂ©dits… Bon, c’était plus compliquĂ© Ă mettre en place que je ne le pensais (rires). De nombreux artistes que je voulais Ă©taient Ă©videmment difficiles Ă contacter. J’ai donc dĂ©cidĂ©, pour le moment, de laisser une grande place aux artistes contemporains. Pour autant, je n’ai pas laissĂ© tomber le projet avec les artistes des annĂ©es 90. Simplement ça met du temps, comme trois ans par exemple (rires).Â
Tu as commencĂ© la production avant d’être DJ. RĂ©cemment tu dĂ©voilais ton premier EP Leave It To The Vibe, c’était important pour toi de faire ta première release sur ton propre label ?Â
KI/KI : C’est drĂ´le parce que l’idĂ©e originelle derrière slash n’était pas de sortir ma propre musique comme je l’expliquais. Je voulais plus mettre en avant les autres productrices et producteurs. Mais, je venais juste de terminer cet EP et je n’arrivais pas Ă trouver un label qui lui correspondait. Alors j’ai rĂ©alisĂ© que je pouvais le sortir moi-mĂŞme et ça avait beaucoup plus de sens d’ailleurs.Â
Si tu produis depuis autant d’annĂ©es, pourquoi n’avais-tu jamais rien sorti avant ?Â
KI/KI : J’avais 15 ans, je n’étais pas encore trop sĂ»re de ce que je crĂ©ais… Enfin surtout, je n’avais pas de plan de carrière, ça restait un hobby. Puis les Ă©tudes prenaient trop d’espace dans ma vie. J’ai dĂ» arrĂŞter de produire pour les terminer. Aujourd’hui ça fait deux ans et demi que je me suis remise Ă composer, mais ça Ă©tĂ© difficile. J’ai tout redĂ©couvert, rĂ©appris, j’étais redevenue novice. C’est pour ça que j’ai pris mon temps.Â
Quelque chose dont on n’a pas parlĂ©, que tu aimerais ajouter ? Â
KI/KI : Je peux simplement dire que l’annĂ©e qui arrive va ĂŞtre riche en projets, notamment avec 5HRS OF ACID, la soirĂ©e que j’ai crĂ©Ă©e ! On est en train d’organiser une tournĂ©e europĂ©enne avec sĂ»rement un passage Ă Paris. Seul critère : je veux une grande warehouse (rires).Â
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