Penelope Antena, ATOEM, Disiz, yeule, Roosevelt… Les projets de la semaine
On ne vous la présente plus ! Voici, comme tout vendredi qui se respecte, notre sélection des projets de la semaine. Et aujourd’hui c’est une cascade de styles – oui oui -, avec le spleen mélancolique de Disiz, la techno-psyché d’ATOEM, la soul de Penelope Antena, sans oublier yeule, Devendra Banhart et Roosevelt.
ATOEM – Entropy
Aujourd’hui est un jour de deuil : ATOEM enterre définitivement l’été. Et pour fêter ça, le duo rennais ramène le sound system et envoie l’auditoire dans une aventure techno-psyché. Pour leur tout tout premier album Entropy , Gabriel Renault et Antoine Talon réservent quatorze titres ultra dansants, tendance rave, fruit d’expérimentations avec des boîtes à rythmes, synthétiseurs modulaires et percussions. On ressent bien les influences rock que le duo cultive depuis ses débuts, et ce dès le morceau d’ouverture « Sinking Ocean » mêlant justement les accords de guitares, les voix et l’instrumentale électronique. On est très vite ramenés à la réalité avec les pulsions acides et les aigus saturés de « Lost Work » qui suit juste après. Les deux Rennais offrent ici un mélange électrique dévastateur, entre les synthés envoûtants de « Ride on time« , les élans futuristes qui parcourent les titres – mention spéciale pour « Mode Erase » -, les voix autotunées dans « Uprising« , ou encore la techno groovy de « Lunacy« . Une fois n’est pas coutume, nos régions ont du talent…
Disiz – L’Amour…
Avec cette réédition de cinq nouveaux titres, Disiz achève L’Amour comme il l’a commencé. Flow mélancolique – capable d’émouvoir les plus rigides d’entre nous -, moments de lâché prise effervescents – « Dandy OG » issu de la réédition, et « Dispo ?« , déjà dans l’album. Et surtout de grands moments d’introspection, de regrets, de bons et mauvais souvenir. L’ancien rappeur regarde donc dans le rétro (« Mode d’emploi« )… mais contemple aussi l’avenir, ébloui par le soleil du nom de Madeleine, sa fille. C’est une belle conclusion que délivre ici Disiz, Toujours dans le même spleen et la soul qu’il a façonné dans son album, et qui nous bouleverse — encore — inlassablement.
Devendra Banhart – Flying Wig
On court droit vers le onzième album studio — et premier chez Mexican Summer — de Devendra Banhart, qui continue de charmer de sa voix charnelle et enivrante. Flying Wig suit Ma, sorti en 2019, et plonge l’auditoire dans une nouvelle histoire, que l’artiste américano-vénézuélien décrit dans un communiqué : « nous avons voulu faire un disque qui ne ressemble à rien de ce que j’ai fait auparavant avec une nouvelle partenaire créative à la barre » – la galloise Cate Le Bon. Les deux comparses se sont inspirés d’un poème de Kobayashi Issa pour la création du projet. Le long premier titre, « Feeling » annonce bien la couleur que l’artiste a voulu donner à l’ensemble du projet : une voix pleinement mélancolique, appuyée par des choeurs envoutant, purement contemplatif.
Penelope Antena – James & June
Penelope Antena fait la pluie, chante le beau temps et souffle sur la grisaille des fins d’été, sur des notes de piano qui parcourent du début à la fin son dernier projet, James & June. Piano qui se mélange par moments très justement à une batterie et des sonorités électroniques dans « Every Story Ever Told« . Lorsque sa voix prend le dessus sur les instrus, c’est pour proposer de sublimes envolées lyriques. Et elle s’emporte même sur quelques passages autotunés dans « Bonfire« , que l’artiste signe avec B Forrest, ou dans l’organique « Enough« . Ce projet, que Penelope Antena a composé et enregistré elle-même, est une invitation dans l’univers de l’artiste. À écouter de toute urgence pour s’y évader.
Roosevelt – Embrace
De l’électro-pop idéale pour l’été, c’est déjà ce qu’on disait de la musique de Roosevelt il y a deux, quatre et sept ans, bref, à chaque fois qu’il a sorti un album. Celui-ci ne devrait pas y couper, si ce n’est qu’il sort à la fin de l’été. Dommage. Avec ses mélodies guillerettes, ses synthés aquatiques et son groove rond doré au soleil, Embrace est un disque qui s’écouterait bien sur le chemin de la plage ou au bord d’une piscine. Pas de grosse rupture avec les précédents albums de l’Allemand, donc, si ce n’est que Marius Lauber, qui a pris du galon ces derniers temps en remixant Taylor Swift et en collaborant avec Nile Rodgers, a quitté Greco-Roman pour la galaxie Ninja Tune et s’est un peu plus orienté vers le disco, influencé plus précisément par le disco des années 1980, type Gwen Guthrie ou Melba Moore – c’est lui-même qui les cite. Mais le disco est une musique aussi futile que profonde, ce qui n’a pas échappé à Lauber, et derrière la danse, le fun et la légèreté, une forme de spleen semble poindre sur son album. Il a passé la trentaine et voit tous ses amis se ranger et avoir de « vrais jobs» et se demande peut-être s’il est encore judicieux de faire de l’électro-pop estival pendant que le monde va mal. L’album de la maturité ?
Gérome Darmendrail
yeule – Softscars
Gracieusement sombre, doucement nostalgique, finement saturée et autotunée comme il se doit, la voix de yeule est contradictoire, à l’image des douze morceaux ou «cicatrices douces » de l’album. Entre riffs de guitare punk addictifs (comment résister aux premières secondes de «dazies»?) et mélodies douces au piano (« fish in the pool» et ses vocalises), elle pousse cette fois la réverb à 300%. Récemment signée chez Ninja Tune, yeule propose un univers fascinant, féérique et enchanteur à la Grimes pré-Elon Musk. Prenant la direction inverse de cette dernière, yeule mélange les sonorités éthérées au possible, s’alliant parfaitement à son univers fait de mélodies et paroles presque enfantines, parlant d’anges, du digital, de software. Sans oublier des touches de production ultra-bizarroïdes, renforcées par la patte de Mura Masa sur une poignée de morceaux. Il n’y a aucun doute : yeule a tout d’une pop star du futur, profondément novatrice, délaissant les samples.
Simon Brazeilles