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21 août 2023

LIVE REPORT | Cabaret Vert 2023 : le Greenfloor, l’amour et la violence

par Corentin Fraisse

127.000 festivaliers ont de nouveau rallié Charleville-Mézières pour Cabaret Vert. Nouveau record. Année après année, le festival impose son statut de mastodonte en gardant un esprit éclairé, un sens de l’alternatif, du collectif et du faire-ensemble. C’était une dix-septième édition canon pour le festival ardennais, où on aura passé pas mal de temps devant la scène électronique (mais pas que) du festival, nichée au milieu des arbres : le fameux Greenfloor.

Les pluies et la gadoue se sont incrustées pendant le montage des scènes et ont bien failli gâcher la fête, ou au moins le début des festivités. C’était sans compter sur la réactivité des équipes du festival, qui ont pu rendre aux terrains une forme praticable (sans sables mouvants, finalement). C’est donc le coeur léger qu’on avait hâte de retrouver Cabaret Vert, et en particulier la scène du Greenfloor, qui nous avait déjà éblouis l’an passé.

Greenfloor, jours et nuits
greenfloor cabaret vert

Direction le Greenfloor © B. BARTHOLET

On rappelle que cette scène, doux écrin de verdure, a fait son apparition en 2022. Pour y accéder on enjambe la Meuse et on se retrouve dans la forêt, pour kicker et taper du pied. Avec des projets rap/hip-hop en journée, puis avec des artistes électroniques pendant les Nuits -présentées par Cabaret Vert et Tsugi Radio. Là, tout n’est que désordre et beauté : luxe, kicks et volupté.

Alors on vous l’avoue, on aura passé pas mal de temps au GreenFloor. Notamment pour admirer, la journée, les performances rap de Flohio (Nigériane venue de Londres qui découpe comme une Lady Leshurr ou Little Simz) mais aussi Doria, Doums, Vacra ou encore Jazzy Bazz, qui a étalé sa verve et sa classe sur une scène qui paraissait trop petite pour lui. Ou pour taper du pied sous les étoiles, par exemple devant la patronne Paula Temple, devant Dylan Dylan, Sherelle, Honey Dijon, la folie déstructurée de Taahliah et Gazzi (vous pourrez écouter les replays de leurs sets grâce à Tsugi Radio), Skin on Skin et Belaria -qui a délivré un set à l’image du virage musical qu’elle décrivait pour nous en interview : plus dark, intense, techno.

Mais au Greenfloor, plusieurs prestations ont été particulièrement marquantes. D’abord deux duos : les frères d’Overmono, qui passaient en même temps que Black Eyed Peas (ce qui donne encore plus de poids au public présent). Un set très élégant, fait de sons deep house et clubs assez contagieux qui empruntent à la rave, au breakbeat et à la trance des 90s. Autre duo -à la ville comme à la scène- avec Eris Drew & Octo Octa, qu’on retrouve un an plus tard sur ce même Greenfloor : incroyables diggeuses, elles ont balancé des tracks house, garage et UK rave. Le tout dans une énergie communicative : celleux qui les ont vues en b2b, que ce soit à la Machine ou en festivals, sauront de quoi on parle.

 

overmono cabaret vert

Overmono © M. TCHAKMAKDJIAN

 

olympe 4000 cabaret vert

Olympe 4000 © M. TCHAKMAKDJIAN

 

Olympe 4000 nous a retournés avec un joli set UK bass bien énervé, Winnterzuko fut une très -très- bonne surprise avec son rap sur instrus électroniques au BPM élevé (rien de très élaboré, mais souvent efficace) et enfin le séisme nommé Train Fantôme… QUEL. BONHEUR. On les avait déjà vus à Nuits Secrètes, ces 7 rappeurs à l’énergie punk qui retournent tout sur leur passage.  C’est définitivement là où il faut être pour les pogos. Mais attention, avec des règles : « le pogo c’est pour toutes et tous, y’a pas d’histoire de qui tape le plus fort, préviennent-ils. Le premier boloss qui vient ici pour montrer leurs biscotos ça dégage ».

 

À lire aussi sur Tsugi.fr :: Pogo or not pogo ?

 

Ce live est fort, surpuissant. C’est l’esprit punk, l’amour du pogo et le pouvoir du love. « Transformez la merde que vous avez en vous, en positif » : ça c’est du credo. S’ensuit une tirade digne d’E. Norton dans La 25ème heure, avec pas mal de « f**ks » balancés… Pour finir par « vous êtes tous merveilleux, merci ! » Train Fantôme, c’est l’incarnation parfaite d’une idée qui nous a souvent suivis pendant cette édition du Cabaret Vert : un mariage entre l’amour et la violence.

 

train fantome

Train Fantôme © T. RIBEIRO

 

L’amour et la violence

« L’amour et la violence », dans un autre contexte c’est une très belle chanson de Sébastien Tellier. Mais ça représente surtout fort bien ce Cabaret Vert. Comme sur la scène Razorback pour Benefits, chanteur hurlant et habité sur batterie brutale et modulateurs électroniques, ou encore le garage de Coach Party et le growl de Zulu. ‘L’amour et la violence’ c’est le punk assez jouissif d’Amyl & the Sniffers, ambiance rrriot girls qui montre les muscles, cheveux blonds peroxydés et gueuleries efficaces. C’est Cypress Hill qui débarque avec un B-Real des grands soirs. C’est la tendresse et l’art du show d’Aloise Sauvage. C’est Wolfmother pour le dernier show de sa tournée, riffs vénéneux et son lourdaud, les élucubrations vocales d’Andrew Stokdale, ses bouclettes et son gilet en jean sans manche… « Woman », « Joker and the Thief »… Le bonheur, quelque part.

C’est aussi trois gros rappeurs pour grandes scènes avec d’abord Dinos et PLK, qu’on retrouve après We Love Green pour les mêmes lives pleins d’énergie folle, de positif, de flammes sur scène, de lyrics ciselées pour publics conquis. Le troisième larron est évidemment Damso : le Belge a conquis Zanzibar et a enflammé l’assistance -au propre comme au figuré- avec beaucoup beaucoup de titres repris en choeur par les milliers de spectateurs dans la foule, que ça chante ou que ça kicke. Et peu importe l’âge : on a notamment passé le live à côté d’une mère de famille qui connaissait TOUTES les paroles (même quand ça chante « Si y’a bien une chose que j’sais faire, c’est niquer des mères » sur « Smog »).

Amour + Violence, c’est aussi et surtout le live des Chemical Brothers. Grosse leçon de live délivrée par Tom Rowlands et Ed Simon, enchaînant « Hey Boy Hey Girl », « Do It Again », « Galvanize », « Go ». On sent le public en transe, The Chemical Brothers envoie un son mastock, qui écrase tout sur son passage. Ça nous rappelle la puissance de Vitalic, ici même l’an dernier. Quelle violence et quelle tendresse : on s’est fait rouler dessus et on a adoré ça.

chemical brothers cabaret vert

The Chemical Brothers © F. MAYOLET

 

 

L’engagement

Si on connaît Cabaret Vert, c’est aussi pour son engagement sur l’écologie et l’économie locale, que le festival cultive depuis toujours. Et même en grossissant, d’année en année, devenant mastodonte accueillant 127 000 personnes sur cinq jours, ils gardent ces valeurs à l’esprit. Alors que le festival débutait, Cabaret Vert a mis en ligne les résultats de son bilan bas-carbone, qu’on détaillait sur Tsugi. On note qu’un festivalier sur deux vient des Ardennes, ce qui est assez déterminant sur une jauge aussi grosse. Ici on consomme local (70% de la nourriture vient de fournisseurs ardennais) que ce soit dans l’assiette, dans les verres, dans les installations et la récup’.

On pense au live de The Inspector Cluzo, duo rock d’agriculteurs landais, qui essaient de sauver des animaux en voie de disparition, de produire leurs graines, tout en faisant un rock gras ponctué d’un discours engagé. Avec notamment des chansons où ils critiquent l’hypocrisie du green washing. On pense à l’éco-visite du festival, aux côtés de Jean Perrissin, responsable Développement Durable. Il rappelle que le festival est associatif et s’appuie sur 2500 bénévoles, que le festival incarne son territoire. On rappelle l’attachement au cinéma, aux tables rondes à la BD, toujours présents sur le festival, qui abordent aussi ces thématiques pendant le week-end. On visite le centre de tri, où 80% des déchets sont revalorisés et/ou recyclés.

Et on remarque qu’ici l’eau est gratuite. Ça paraît insignifiant, mais ce n’est pas le cas partout. Après, viendront se poser des questions compliquées : quel impact d’un tel événement sur la biodiversité locale ? Comment concilier le développement durable écologie et l’approche très « viandarde » des producteurs locaux ? Des questions à se poser… Même si on n’a pas su résister à manger une flapmiche (en gros, une tartine de maroilles grillé), des croûtes ardennaises et un Cacasse à cul nu.

 

© A.STOLARCZYK

 

De ce week-end on retiendra la programmation fleuve, variée et parfois osée, on retiendra le public souvent à la hauteur des lives, le Greenfloor évidemment… Et le partage : comme pour la grosse fiesta collégiale et bon enfant devant Black Eyed Peas. En témoigne ce moment mignon où le groupe fait monter une fan de 18 ans, Clara, pour chanter « Mamacita » avec eux –comme le raconte L’Ardennais ici– et s’en sort à merveille. Même chose Romane qui, plus tard dans le week-end, est venue sur scène avec Dinos pour rapper la partie de Nekfeu sur le feat. « Moins un »… Et qui a tout balayé, portée par la bienveillance de Punchlinovitch et du public.

On vous laisse avec une playlist de notre week-end, un titre par artiste.

 

 

 

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Meilleur moment : entre The Chemical Brothers et Train Fantôme, le coeur balance

Pire moment : la glace au Maroilles. On sait que c’est une proposition salée un peu marrante, qui attise la curiosité. Mais franchement les gars on a goûté : c’était pas une si bonne idée. Alors même qu’on aime le fromage par ici, bien fort si possible.

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