9 questions au Suédois CEO, croisé au festival by:Larm
Le Suédois Eric Berglund vient de sortir le deuxième album de son projet solo CEO, électro-pop barrée aux ambiances psychédélico-enfantines. A l’occasion d’un DJ-set au festival norvégien by:Larm, on est allé lui poser quelques questions.
Ça fait quelques années que tu es en solo mais tu as eu une longue période au sein du duo The Tough Alliance. Ta vie musicale est-elle aujourd’hui plus simple ?
C’est un sujet complexe ! Disons que je suis plus libre évidemment, et que les gens qui m’aident à la production ne participent pas à gonfler l’anxiété qui vient parfois, comme c’était le cas dans TTA. Mais c’est très dur de devoir tout décider seul quand tu n’es pas totalement sûr de toi. Il était devenu essentiel pour moi de gérer ces moments de doutes seul, de ne plus courir vers quelqu’un d’autre. Si tu ignores ces insécurités elle s’ancrent profondément dans ta musique et elles finiront par ressurgir, d’un coup, et bam, tu es à nouveau au fond du gouffre. Encore et encore.
Avoir quelqu’un pour contrebalancer tes opinions sur ta musique te manque ? Qui sont les premiers à qui tu demandes un avis ?
Parfois ça me manque oui, mais j’ai quelques personnes de confiance vers qui je me tourne quand j’ai de gros doutes. Joakim du groupe JJ, par exemple, Ikaros de Team Rockit, ma maman, Kendal (Johansson, artiste de son label Sincerely Yours) et d’autres encore. Par moments quand je me sens vraiment vraiment faible, il me manque quelqu’un avec qui partager ces faiblesses. Mais c’est vraiment me comporter comme une “silly bitch” et je ne me morfonds pas longtemps. Parfois c’est utile d’être forcé à avancer seul.
L’atmosphère de ta musique est à la fois sombre et enfantine. Cet ancrage dans l’enfance est quelque chose que tu développes pour te sentir à l’aise ?
Merci, ça sonne assez cool décrit comme ça, je me sens souvent comme un enfant un peu dark, ahah. Je crois que 95% des gens ont des problèmes liés à leur enfance, qu’ils en soient conscients ou non. Quelqu’un m’a demandé si ma musique cherchait à retrouver une innocence perdue et ça fait au moins partiellement sens. Mais je fais ça plus intuitivement, j’essaye juste de produire ce que je vois et entends dans ma tête. Si je commençais à analyser le processus je pourrais écrire un bouquin sur pourquoi je fais ça mais c’est aux autres de faire cette analyse, je n’ai pas le temps pour. J’observe et analyse déjà mes pensées, émotions et comportements de la vie de tous les jours de manière ultra-détaillée donc c’est agréable de garder un pan de ma vie où je ne fais pas ça. Une facette où je peux juste y aller à l’instinct, sans barrières, sans questionnements.
Est-ce qu’il y a des musiciens ou des cinéastes dont le traitement de l’enfance te parle ?
Honnêtement je ne me sens proche de personne. C’est ce qui fait que je suis si motivé pour continuer à faire ce que je fais. Mais je reconnais une partie de ce que je suis chez Miyazaki, Main Attraktions, Yves Klein, Susumu Hirasawa, Gucci, Team Rockit… Je ne sais pas pourquoi, j’ai juste un sentiment vague que je peux me reconnaître dans ce qu’ils font.
Il y a beaucoup de voix bizarres dans ton dernier disque, de respirations, d’enfants… D’où viennent-elles ?
Je ne crois pas que pour faire l’expérience de mon art il soit judicieux de le déconstruire. J’ai travaillé si dur à faire s’imbriquer toutes ces petites pièces dans un ensemble cohérent, une vague d’émotions, que je ne veux pas le décomposer. Ces voix viennent de partout, des filles rencontrées dans les montagnes norvégiennes, de l’UFC (l’Ultimate Fighting championship, ndlr ?), du Harajuku (quartier tokyoïte connu pour sa pratique du cosplay, ndlr), de contes, de la jungle… tout le monde est invité dans mon aventure.
Tu joues un DJ set au by:Larm, c’est un exercice que tu aimes ?
J’adore ça ! J’aime écouter la musique hyper forte et je veux que les gens entendent un mix de musiques incroyables, ils en ont besoin. Et j’adore boire du champagne en bossant. C’est aussi un moyen génial de rencontrer des gens, surtout dans la mesure où je ne joue pas encore de lives. J’aime quand les gens se jettent dans ma vie.
Tu es à la tête d’un label, Sincerely Yours, depuis 8 ans maintenant. L’expérience est toujours satisfaisante ?
C’est un voyage incroyable. Je ne sais même pas comment un gamin sensible et capricieux comme moi est resté patron d’un organisme aussi important (jeu de mot, “CEO” voulant dire directeur général tout en étant le nom de son groupe, ndlr). L’expérience est formidable, souvent très stressante, c’est surtout dur de rester calme pour pouvoir suivre ton cœur. Rencontrer JJ et Team Rockit fait partie de mes meilleurs souvenirs, c’est fou cette sensation d’avoir constitué une nouvelle famille. La sortie de l’album A New Chance (de TTA, ndlr) en 2007 était incroyable, ça devait se passer sur un bateau mais les autorités avaient menacé de nous l’interdire. Alors on a déplacé toute la soirée à l’autre bout de la ville dans un plus petit endroit, moi et Henning (autre moitié de The Tough Alliance, ndlr) travaillions au bar et Fredrix de the Embassy était chargé d’empêcher tous les équipements de tomber parce que la foule était incontrôlable.
Tu es très impliqué dans le quotidien du label ?
Les artistes et moi faisons tout ! J’ai un peu d’aide de mes parents de temps en temps ceci dit, hi hi.
Quelles sont les prochaines étapes pour Sincerely Yours ?
Qui sait, mec. Là tout de suite je me prévois de longue vacances, mais il va falloir que je coordonne ça avec les prochains albums de JJ et de Merely, des nouveautés du groupe Sail a Whale… Mais la vie réserve beaucoup plus que cela à Sincerely Yours, je peux le promettre. Viva la vida, bitches !