20 ans cette année : « Music Has The Right To Children », le premier album brillant de Boards Of Canada
Considéré comme un album précurseur de l’IDM, le premier long-format de Boards Of Canada est celui qui révèle le groupe au grand public. Parce qu’il est co-signé chez Warp – fameux label d’Aphex Twin – mais surtout parce qu’il propose un son nouveau, inédit et frais, en faisant un objet intemporel. Mais qui se cache donc derrière cette photo de famille turquoise dénuée de toute humanité sur la pochette de Music Has The Right To Children ? Si la réponse littérale ne sera sûrement jamais connue – on sait juste qu’elle a été prise au Canada, évidemment -, deux frères écossais sont à l’origine de ce « Turquoise Hexagon Sun » : Michael Sandison et Marcus Eoin.
A l’époque, sans rentrer dans le moule des productions du moment, le duo fraternel joue sur un autre tableau, diamétralement opposé, qui se révélera incroyablement efficace. Dans un article de Pitchfork nommé « Pourquoi Music Has The Right To Children est le meilleur album psychédélique des années 90″, Michael Sandison, moitié de Boards Of Canada, explique aujourd’hui : « Ce que j’aime toujours dans cet album, c’est tout ce qu’il ne fait pas, dans le contexte musical dans lequel il est né ».
Empli d’une lenteur nostalgique hors-pair, Music Has The Right To Children fait naître un univers, son propre univers. A l’écoute, on se laisse guider sans le moindre effort au fil des dix-sept morceaux – ou dix-huit dans la réédition de 2004 – et on se construit ses propres émotions. Les boucles se répètent, les beats sont lents, les touches de synthé subtiles, les voix robotiques et métalliques, d’un enfant innocent – souvent sample de Sesame Street – à un monstre saturé. La mélancolie profonde des morceaux ravive des souvenirs, d’enfance ou non – thème récurrent de l’album – à nos cerveaux et touche en plein coeur. La froideur de la pochette se retrouve dans la quasi-intégralité des titres, à l’atmosphère glaciale, enneigée.
Mais dans ce ciel bleuâtre figure aussi la vie. Le multicolore « Roygbiv » – acronyme des couleurs de l’arc-en-ciel – deviendra l’un des titres les plus connus du duo. En à peine deux minutes trente, on y découvre déjà l’apogée de son talent, naviguant entre espoir et douceur dans toute sa simplicité. « Rue The Whirl » marquera les plus attentifs par ses bruits d’oiseaux. Loin d’être intentionnels, ils sont dus à une fenêtre du studio laissée ouverte pendant la session d’enregistrement. A l’écoute de la version finale, les deux frères les ont laissés.
On imagine qu’avec ce premier album, Boards Of Canada était loin de se douter de l’énorme source d’inspiration et de respect qu’il allait être. Pourtant, avec ce titre, il aurait très bien pu. La musique a le droit à ses enfants. Et la musique de Boards Of Canada a ses enfants. Sur « Aquarius », les voix trafiquées rappellent énormément « Kid A » de Radiohead, deux ans avant le groupe anglais. Aujourd’hui, beaucoup glorifient Music Has The Right To Children comme un des meilleurs albums IDM de tous les temps. Entre Four Tet, Lone et Gold Panda, Boards Of Canada a en tout cas engendré une jolie petite famille.
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