20 ans cette année : le tubesque « Vol. 2: Hard Knock Life » de Jay-Z
Le 29 septembre 1998 est considéré par beaucoup comme le « Greatest Rap Album Release Day Ever » : comprenez le jour le plus prolifique en albums -devenus- classiques de toute l’histoire du rap (forcément, c’est plus court en anglais). Pourquoi? Parce que ce jour-là étaient publiés Mos Def & Talib Kweli Are Black Star de Black Star, The Love Movement d’A Tribe Called Quest, Aquemini d’OutKast et Foundation par Brand Nubian. Au milieu de ces quatre mastodontes, le jeune Shawn Corey Carter aka Jay-Z va lâcher une bombe bourrée de hits, qui se hissera vite à la première place du Billboard 200 et du Billboard Top R&B/Hip Hop Albums : Vol. 2: Hard Knock Life -publié chez Roc-A-Fella, label créé par Jay-Z- qui fête ses vingt ans aujourd’hui-même.
Pour palier l’échec cuisant -en termes de ventes- du Vol. 1 un an plus tôt, Jay-Z entend bien renouer avec le succès connu dès son premier disque, la déferlante Reasonable Doubt (1996). Jigga va livrer une heure de hip-hop pur aux productions léchées, avec ce quelque chose en plus de moderne et révolutionnaire. Après une intro par DJ Premier -comme d’habitude- débarque déjà « Hard Knock Life » et son potentiel d’ultra-tube bien qu’écrit pour rendre hommage au ghetto : sur une basse ronde et un unique accord de piano, un choeur d’enfants chante « It’s a hard-knock life for us » (« une vie de coups durs » en français) et Jay-Z balance des mots forts et clinquants, en traînant sur le temps… Irrésistible. Autre énorme succès de l’album, « Can I Get A… » en feat. avec deux rappeurs prometteurs : Ja Rule, tout fraîchement signé chez Def Jam et Amil, protégée de Roc-A-Fella avec son fameux « can I get a woop-woop?« .
Un troisième super-tube pour la route? Tout le monde se lève pour « Money, Cash, Hoes », où s’invite Swizz Beatz des Ruff Ryders -qu’on retrouvera également sur les titres « If I Die Tonight » et « Coming of Age » : instrumentale proprissime, tonnerre de beats, des coups de cross et de scratch monumentaux, un flow ciselé et incisif. Tout pour transpercer les frontières. Côté production, cet album marque aussi le début de la collaboration entre Jay-Z et Timbaland. Et ça se ressent énormément dans la rondeur des morceaux, chaque instru est une merveille qui laisse toute la place à la voix et aux textes de Jigga : on pourrait citer le beat bien bounce de « Nigga What, Nigga Who », sur lequel Jay-Z étale sa technique en accélérant son flow habituel.
L’album se présente déjà comme un classique, mais pour vraiment s’inscrire parmi les grands, il doit maîtriser l’art du sample : mission accomplie avec brio, grâce à des références élégantes. D’abord, le titre « Hard Knock Life » sample la comédie musicale Annie, jouée à Broadway à partir de 1977. « It’s Alright » contient des parties de « The Hall Of Mirrors« par Kraftwerk et de « Once In A Lifetime » des Talking Heads… « A Week Ago« contient un sample de « Ballad For The Fallen Soldier » des Isley Brothers, tandis que « Money Ain’t A Thang » réutilise un court extrait de « Weak At The Knees« par Steve Arrington. Car c’est la grande force de ce troisième album de Jay-Z : allier l’ancien ou moderne, en synthétisant ce que le hip-hop a de plus populaire et d’impactant. Pour gagner le respect du ghetto et des puristes tout en atteignant les oreilles et les coeurs du grand public. Résultat? Plus de six millions de copies écoulées à travers le globe, un disque cinq fois certifié platine aux US en deux ans, qui a engrangé plus de ventes que les deux premiers albums réunis. Grâce à cet album que le label Roc-A-Fella s’installe comme un poids-lourd du hip-hop mondial et Jay-Z accède -enfin!- à une reconnaissance internationale.
Malheureusement, Jay-Z et son entourage ont désormais retiré plusieurs morceaux tirés de l’album de toutes les plateformes streaming. Pour avoir l’album complet en ligne, il faudra vous rendre sur Tidal.